La Thaïlande, le re-retour!
J'adore la Thaïlande. C'est définitivement mon pays préféré d'Asie du Sud. Aussi en ce 11 janvier suis-je doublement enjouée : nous nous apprêtons à retrouver le pays du sourire ET à rejoindre Fasaai, le resort où nous avons travaillé deux ans plus tôt, lors de notre premier passage dans le pays. J'ai dans l'idée qu'une fois de l'autre côté de la frontière, nous pourrons facilement y arriver en stop. Pour l'instant, côté Cambodge, les tuk-tuks sont trop nombreux pour nous permettre de lever le pouce en paix.
Nous quittons Koh Kong après le petit déjeuner avec l'un des nombreux chauffeurs qui sillonnent les rues. Deux coups de tampon dans les passeports et nous voilà en Thaïlande, stands de brochettes et grosses voitures pour le prouver, au cas où nous aurions un doute.
Un petit tour en stop
Cela fait un moment que nous n'avons pas auto-stoppé et nous avons un peu la flemme, mais n'ayant pas vu de bus dans le coin, nous n'avons pas trop le choix. Nous marchons un peu pour trouver l'endroit idéal et posons bientôt les sacs à l'ombre d'un arbre. Quelques voitures s'arrêtent, soit trop remplies pour nous prendre, soit n'allant pas dans la bonne direction.
Nous secouons la main depuis une dizaine de minutes quand un groupe de policiers Thaïlandais débarque pour contrôler les véhicules. La police thaïlandaise étant connue pour sa corruption et sa bêtise monumentale, je ne suis pas très à l'aise. Ils nous saluent en souriant et l'un d'entre eux, le plus gradé d'après tous les pins brillants sur sa poitrine, vient nous demander où nous allons. « Chanthaburi, en passant pas Trat, en stop ». « Ah, ok. »
Le groupe d'officiers s'affaire une bonne demi-heure puis se dissout. Le policier de toute à l'heure et son acolyte nous font signe de monter avec eux. « Ok, let's go » (aller, on y va), nous dit le premier, comme si c'était déjà entendu. Je ressort mon « mai mi ngen » (je n'ai pas d'argent) habituel pour leur signifier que nous ne voulons pas payer le trajet. Ils rient et acquiescent. Nous conversons via le traducteur du smartphone. Après les politesses d'usage, il nous demande comment cela se fait que nous n'avons pas d'argent. Oups ! Je lui explique que nous en avons mais que nous essayons de voyager en stop pour rencontrer des gens. « ok, mais je vais devoir vérifier ; c'est mon travail ». Double oups !
La voiture roule toujours et les kilomètres défilent. Nous avons du mal à bien comprendre ce qu'il se passe, avec la traduction toujours approximative du traducteur. Est-ce qu'il nous emmène au poste ? Nous sommes en règle mais nous faire contrôler serait un sacré contre-temps pour notre journée de stop ; il nous reste encore 100 km à parcourir et il est déjà midi passé.
Nous arrivons à Klong Yai, la ville juste après la frontière. Les deux policiers s'arrêtent pour nous acheter des mangues et du thé glacé. Je suis de plus en plus dubitative. Arrivés au port, ils nous demandent de descendre… et nous invitent à déjeuner. Si c'est ça la vérification ! Chit, notre haut gradé, semble ravi de nous parler, s'informe un peu sur notre parcours et nos aventures, nous propose à lui poser des questions. Nous comprenons que le système corrompu dans lequel il travail ne lui plaît pas du tout, qu'il est contre tous ses abus, mais qu'il n'a pas trop le choix. Il règle la totalité du déjeuner, refuse que nous payions.
Nous reprenons la route en continuant de discuter. Il nous dépose finalement à la station du bus, en s'excusant de ne pas pouvoir nous conduire lui-même à Chantaburi parce qu'il doit retourner travailler. Il sort de la voiture, s'occupe d'expliquer notre trajet au petit gars qui vend les tickets, nous traduit le nécessaire et finit par payer notre voyage, le vendeur n'ayant pas la monnaie sur notre gros billet de 1000 bahts. Nous le remercions abondamment, lui nous remercie d'avoir passé du temps avec lui et nous prenons des photos tous ensemble – tradition asiatique. Juste avant de partir, il envoie son collègue nous apporter ses coordonnées : « appelez-moi en cas de besoin », nous dit-il d'un air solennel, avant de nous dire au revoir.
Des gauche à droite, Chit, son collègue dont j'ai oublié le nom, et moi-même.
Nous voilà donc gratuitement installés dans le mini-van qui va jusqu'à Trat, où nous arrivons une heure plus tard. Le prochain bus pour Chantaburi n'est pas avant deux heures et demi, aussi, malgré l'insistance des employés de la compagnie de bus pour que nous leur achetions des tickets, nous sortons de la station et allons nous installer un peu plus loin en bord de route. Nous n'attendons pas longtemps avant que Leng, notre deuxième conducteur de la journée, nous prenne à son bord. L'assurance de sa voiture a expirée aussi doit-il s’arrêter ou se cacher sur les parkings à chaque barrage de police régulièrement répartis sur la route. Nous conversons un peu en anglais et il complète notre vocabulaire thaï. A 17 heures, nous sommes à Chantaburi.
De gauche à droite, Leng, moi et Yannick.
Après une petite pause, nous retournons secouer la main ; Fasaai se trouve encore à 30 km de la ville et la nuit ne va pas tarder à tomber. Une dame et sa fille passant à pieds près de nous nous demandent si nous avons besoin d'aide. « Non, pas de soucis, nous faisons du stop pour rejoindre Kung Wiman [le village où se trouve Fasaai, ndla] ». « Oh ça risque d’être compliqué, personne ne s’arrête ici. » Les locaux pensent souvent que le stop est impossible dans leur pays alors que c'est tout le contraire. Mais le soleil est prêt à passer derrière l'horizon aussi je m'informe : « est-ce qu'il y a des bus qui vont à Kung Wiman ? Ou des songthaw ? », « non, ni l'un ni l'autre ». « des taxis alors ? », « Oh, Chantaburi n'a pas de taxi ». Les sympathiques petites dames ne semblent pas très au courant des ressources du coin en matière de transport. « eh bien nous n'avons pas le choix, nous allons attendre une voiture ! Ne vous en faite pas, ce n'est pas la première fois que nous faisons du stop dans le coin ». L'air un eu inquiet, elles nous saluent et nous laissent avec notre pancarte. Comme prévu, un pick-up ne tarde pas à s’arrêter et nous invite à sauter à l'arrière. Les kilomètres défilent sans que la voiture ne s’arrête – nous avons un bon ride ! Elle nous dépose à 10km de Fasaai. Au pire, nous arriverons donc à pieds. Le soleil se couche alors que l'heure avance et que nous nous installons au bord de la route. Derrière nous, deux hommes assis devant une petite maison discutent. Ils nous font bientôt signe de les rejoindre et, voyant notre panneau, l'un d'eux nous propose de nous déposer à Kung Wiman. Nous n'avons pas le temps de répondre qu'il est déjà parti chercher sa voiture, l'autre s'excusant de nous faire patienter. Il nous amène littéralement dans Fasaai. Il est 18h, il fait nuit. Ouf, quel timing !
Faasai le retour
Sura, la gérante du resort, nous accueille avec un grand sourire et un câlin chaleureux de ses puissants bras. En deux ans, presque rien n'a changé, nous retrouvons le confort, la générosité, les bonnes énergies du lieu. Quel bonheur !
Sura et le chat fou, toujours au rendez-vous.
Il manque juste les copains rencontrés la dernière fois. Adam et Brailla, deux volontaires Anglais, sont cependant de bonne compagnie. Bien installés dans notre grand bungalow, après avoir ingurgité une quantité de nourriture à laquelle nos estomacs ne sont plus habitués et fait connaissance avec nos nouveaux compagnons de travail, nous nous endormons paisiblement.
Nous retrouvons le lendemain les mêmes quantités de délicieuse nourriture et le même labeur que dans nos souvenirs. C'est le deal à Fasaai, quand on travaille, on travaille dur, mais quand on se relaxe, on se relaxe à fond.
Dans les champs, tout se fait à la main. Nous voilà donc à labourer les parcelles à la force des bras, à casser les mottes de terres durcies par le soleil à la bêche, à égaliser le terrain au râteau, pour planter des cacahuètes par centaines – qui aérerons le sol et le protégerons de la dessiccation avant d'être récoltées.
Brailla quitte l'équipe quelques jours plus tard, trouvant le travail trop dur. Adam, un charpentier de 53 ans qui a atterrit là après avoir raté ses vacances, ne se tarit pas de complaintes mais tient bon et nous fait toujours beaucoup rire.
L'un des champs, avant et après notre passage.
En dehors des cinq heures par jours à la fermes, nous passons le reste de la journée paisiblement, à profiter de la piscine ou des transats, aider Sura à la cuisine ou faire les courses au marché du samedi. Une pause ressourçante dans notre voyage, une parenthèse familière dans un monde de nouveauté permanente, merveilleuse mais à la longue fatigante.
Il faut profiter de la piscine tant qu'il n'y a personne :p
Le marché du samedi, l'essence de la Thaïlande.
Le précédent chien est mort, mais Latte, du haut de ses quelques mois, a vite pris la place vacante.
Quelques jours avant notre départ, je prends tout de même le temps de planifier la suite de notre trajet. Notre visa expire bientôt, il nous faut une nouvelle destination. Nous avons dans l'idée de nous diriger vers le Japon en nous arrêtant d'abord à Taïwan, qui devrait être moins cher. Mais quelque malédiction nous poursuit : à chaque fois que je tente d'acheter un billet, le site internet a des ratées et les prix augmentent, jusqu'à un prix que nous ne pouvons plus nous permettre. Les billets directs pour le Japon sont, quand à eux, devenus abordables. Signe de la vie ? Nous achetons deux tickets pour Okinawa.